La Biélorussie, la Ruthénie libre

Biélorussie ou Bélarus ?

Quel nom officiel donner à ce pays ? Les autorités biélorusses recommandent « République de Bélarus ». Tandis que l’ONU emploie « République du Bélarus », la Commission générale de terminologie et de néologie retient, elle, « République de Biélorussie ».

Quoi qu’il en soit, l’ajout de бела- (prononcer bièla) à Русь (Rous’, Ruthénie) viendrait de ce qu’il s’agissait de désigner par un nom approprié la partie de la Ruthénie insubordonnée aux Tatars. Il faudrait donc comprendre l’adjectif белая (bièlaïa) comme « libre» et non en tant que « blanche », traduction littérale mais inexacte.

Dernier état soviétique…

Voyager en Biélorussie, c’est un peu remonter le temps… Dès notre arrivée à Minsk, la capitale du pays, nous comprenons vite que l’Union Soviétique est loin d’être morte…

Pour être encore plus explicite sur le sujet, le buste au pied duquel se trouve la gerbe étoilée, est celui de … Félix Dzerjinski, le fondateur biélorusse de la Tchéka…

La Biélorussie, cette belle inconnue

La Biélorussie est sans doute l’un des pays les moins connus d’Europe. Sa situation géographique parle déjà beaucoup…

biélorussie en europe

… Le pays est, en effet, coincé entre l’Union Européenne, l’Ukraine et la Russie.

Sans accès à la mer, la Biélorussie est un couloir d’accès du monde européen au monde russe. Ce qui valut à l’empereur Napoléon de s’embourber dans ce territoire, au bord de la fameuse Bérézina, ce fleuve qu’il lui fallut traverser coûte que coûte lors de sa retraite de Russie afin de regagner la France. S’ensuivit l’extraordinaire aventure des 400 pontonniers du général Jean Baptiste Eblé qui édifièrent par -30° deux ponts en bois du 25 au 26 novembre 1812. Ces deux ponts permirent de faire passer entre 40 et 50 000 hommes de la Grande Armée. Seuls 8 survécurent de cette construction héroïque…

Bérézina

L’histoire de la Biélorussie est à la mesure de sa géographie : le pays a longtemps été un territoire balloté entre la Pologne, la Lituanie et la Russie. Il n’a d’existence propre que depuis la dissolution de l’URSS en 1991.

Une culture composite

Nous retrouvons aujourd’hui les traces de cette mixité historique car la Biélorussie est réellement partagée entre deux influences culturelles et linguistiques :

  • à l’Est, l’orthodoxie d’influence russe, centrée sur Moscou.
  • A l’Ouest, le catholicisme d’inspiration polonaise qui regarde naturellement vers l’Ouest et reprend sous une autre forme son rôle historique de résistance à l’influence culturelle russe.

Il reste que cette dernière est clairement dominante : 80% se réclament de l’orthodoxie et 2/3 des biélorusses considèrent que russes, ukrainiens et biélorusses sont « trois branches d’un même peuple», tandis que 72% des biélorusses utilisent le russe comme langue principale contre … 12% le biélorusse.

Les juifs en Biélorussie

Il y a entre les juifs et la Biélorussie une très longue et belle histoire commune. Celle-ci, hélas, se brisa en 1941 et 1942, années pendant lesquelles 800 000 juifs furent assassinés par les nazis.

Cette abondante communauté trouvait sa raison d’être dans les conditions d’accueil très favorables dont elle bénéficia sous le Grand-duc de Lituanie, Vytautas le Grand (1350-1430), le territoire de Biélorussie étant, à l’époque, partie intégrante de ce Grand-duché.

Chaque ville traversée est, à cet égard, une nouvelle surprise. On est stupéfait de découvrir tant d’hommes politiques juifs, d’envergure internationale, qui sont nés ici ou là dans le pays…

 

L’invasion allemande et la guerre « patriotique »

Le 22 juin 1941, l’Allemagne nazie lance l’opération Barbarossa et envahit la Biélorussie.

« Le 22 juin est la journée la plus longue de l’année, la journée du 22 juin 1941 dure toujours pour nous ».

Ce dicton biélorusse résume à lui seul le récit historique et identitaire du pays. Il est relayé encore aujourd’hui dans le système éducatif et mis en scène dans des lieux sacralisés comme, par exemple Brest, la première ville victime de l’opération Barbarossa, le 22 juin 1941 :

ou Khatyn, l’équivalent d’Oradour sur Glane :

Que voit-on en Biélorussie ?

Après avoir évoqué l’Histoire qui a façonné l’esprit de la Biélorussie, notre regard va se porter sur les sites qui s’offrent à notre soif de découverte…

La Biélorussie est, tout d’abord un pays de nature : la forêt occupe 40% de sa superficie. On y trouve même les seules forêts primaire d’Europe ! De nombreux, parcs naturels ont été sanctuarisés au sein desquels faune et flore sont préservées. S’il est clair que la découverte de ces richesses naturelles est longue et difficile, fort heureusement la muséographie naturaliste est excellente en Biélorussie. En revanche, si l’on veut bien se lever aux aurores dans la forêt de Belovejskaia Puctcha, la probabilité de voir un groupe de bisons est forte et sans équivalent en Europe !

La campagne est mouchetée de maisons traditionnelles en bois

Les villes principales (Brest, Grodno, Minsk, Pinsk, Polotsk, Vitebsk…) ont, certes, connu et surmonté les douleurs de la Seconde Guerre Mondiale mais elles ont rénové leurs centres baroques. Et lorsque ces villes sont vallonnées, leur charme est indéniable !

La Biélorussie, c’est aussi des châteaux soigneusement restaurés (ou en cours de restauration) à Niasvij (UNESCO), Mir (UNESCO), Ruzhany…

Les églises, quant à elles, rivalisent d’or et de chatoiement

 

dans un moment où la ferveur religieuse a repris toute sa force…

La Biélorussie, c’est aussi la patrie de Chagall, Soutine, Zarfin, Zadkin, peintres juifs du XXe siècle qui ont fui leur pays et sont tous devenus et morts français !…

C’est aussi Svetlana Aleksievitch, Prix Médicis 2013 pour son livre La fin de l’homme rouge ou le Temps du désenchantement, recueil poignant de témoignages des biélorusses projetés subitement de l’univers soviétique vers le nouveau monde avec leurs blessures, leurs doutes… Prix Nobel de littérature en 2015.

Svetlana Aleksivitch

C’est enfin, l’âme d’un peuple, qui au sortir d’une histoire millénaire chaotique, fracturé par l’invasion allemande de la 2e Guerre mondiale, déboussolé par la dislocation du corset soviétique, à la foi retrouvée et réconfortante, tente d’affirmer son identité par un nationalisme chevillé au cœur …

 

Hervé Tribot La Spière

Retrouvez plus d’information sur ce voyage ici …

 

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